« Quels que soient nos exils et nos déserts, soyons joyeux et gardons l’espérance »


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dimanche 14 décembre 2025
Diocèse de Guadeloupe

La méditation des textes de la liturgie du 3ème dimanche de l’Avent, par le Père Jacques AGOSSOU, vicaire de la paroisse de Saint-Pierre et Saint-Paul, à Pointe-à-Pitre.

Bien-aimés de Dieu,

Nous sommes le 3è dimanche de l‘Avent. Le prophète Isaïe, notre guide pour ce temps, ravive, dans la première lecture de ce jour, l’espérance de son peuple exilé. Il l’invite à « voir la vie en rose » (c’est la couleur de la bougie ou de la chasuble rose qu’on pourrait porter en ce dimanche dit de la joie) malgré son épreuve, et lui annonce que Dieu va le libérer. C’est pour dire à nous aussi : Quels que soient nos exils et nos déserts à vivre et à traverser, soyons joyeux et gardons l’espérance nous aussi. Ne vous affolons pas ! N’ayons pas peur !  S’il en est ainsi, comment comprendre la vengeance ou la revanche de Dieu que dont parle cette première lecture ?

Voici venir « la vengeance, la revanche de Dieu ». Ce sont des mots difficiles à prononcer quand on les attribue à Dieu car quand on parle de vengeance, on adopte habituellement un langage de violence, de châtiment, de meurtre, et l’on répond à la violence par la violence. Rien de tel dans le message d’Isaïe. La revanche de Dieu ne s’accompagne ni de sang ni de malédiction ni d’arrestation ni d’emprisonnement comme le font certains chefs d’État pour punir des forfaitures comme une tentative de coup d’Etat ayant échoué.  La vengeance de Dieu est vengeance de salut et de bénédiction.

Il ne se vengera pas en rompant son alliance avec son peuple comme nous rompons nos amitiés, nos engagements entre nous quand ça ne va pas, mais en le faisant revenir d’exil. « Il viendra lui-même le sauver ». La suprême vengeance de Dieu n’est pas de punir œil pour œil, massacre pour massacre. Elle est une revanche de la bonté sur la haine, de la paix sur la violence, de la libération sur l’esclavage, de la lumière sur les ténèbres, de la vie sur la mort. C’est la revanche du pardon sur le crime, de la paix sur les guerres.

La grande revanche de Dieu par rapport à l’humanité qui le trahit et le rejette, nous allons la fêter à Noël. Plus tard nous la fêterons devant la Croix glorieuse. Il vient vivre avec nous et mourir pour nous en la personne de son Fils, Jésus-Emmanuel. Dieu vient recréer ce que l’homme a détruit. C’est en cela que notre Dieu est un Dieu surprenant ! C’est le motif de joie de ce dimanche du Gaudete (Réjouissez-vous). La joie, lorsqu’elle habite le cœur, ouvre l’âme à la bénédiction, tandis que la tristesse, lorsqu’elle se transforme en désespoir et en fermeture du cœur, devient un terrain de stérilité spirituelle.

Il se peut qu’en ce moment, dans notre cœur et dans nos pensées se cachent ou sommeillent des désirs de vengeance contre une personne, dans une situation ! Pouvons-nous surprendre en imitant la vengeance de Dieu, un Dieu surprenant ?  Ce sera une manière de se préparer à Noël, la plus grande revanche de Dieu. Ce sera aussi source de Joie pour nous.

Dans l’Évangile, nous voyons aussi Jésus qui surprend Jean Baptiste, en prison. Dieu surprenant ! Jésus surprenant !

Il y a quelque chose de tragique dans la mission et la destinée de Jean-Baptiste. Il fut le plus grand des prophètes, il a annoncé la venue du Messie, il l’a reconnu lorsqu’il est venu, il lui a envoyé ses propres disciples, il a été fidèle jusqu’à la mort à sa mission d’appeler tout être à la conversion. Et pourtant il n’a pas perçu l’essentiel de ce que serait la mission de Jésus. Nous pouvons en retirer beaucoup de leçons. D’abord, celle qu’aucun prophète, si authentique soit-il, ne peut prétendre posséder toute la vérité. En ce qui nous concerne personnellement, chacun de nous, si sûrs que nous soyons de notre foi et peut-être de nos expériences spirituelles ou même mystiques, quelles que soient nos connaissances, si encyclopédiques que celles-ci puissent être, quelles que soient nos compétences en tel ou tel domaine, il y aura toujours un ou des pans entiers de la Vérité qui nous échapperont. Personne ne détient, (à lui ou à elle seule) toute la vérité d’une histoire ou d’une situation. Avis à ceux et celles qui veulent ou cherchent avoir toujours raison et en tout. C’est parfois pathologique ! Il est parfois plus sage de laisser les autres avoir raison.

Puis dans ses doutes, Jean a eu le courage d’interroger qui de droit ! Il s’est tourné vers Jésus qui faisait l’objet de ses doutes, de ses questionnements, de ses inquiétudes pour avoir l’autre pan de la vérité. Avis à nous qui nous tournons vers d’autres pour avoir des vérités sur telle ou telle personne !

Quelles vérités ont été donc révélées à Jean par ceux qu’il a envoyés.   « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez. » Qu’est-ce qu’ils entendent et voient ? – Que les personnes sont libérées des vieilles formes de servitude et que leur dignité humaine est restaurée. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.  GAUDETE ! Vous voyez Jésus ne répond pas par oui ou par non à la question de Jean-Baptiste. Il cite des passages de l'Écriture qui parlait du Messie et il fait dire : « Jean vérifie par toi-même si c'est bien cela que je suis en train de vivre ». Sous-entendu : « Oui, je suis bien le Messie, le vrai Fils de Dieu, tu ne t'es pas trompé, Jean ; seulement si tu es surpris par mes manières de faire, c'est qu'il te reste à découvrir le vrai visage de Dieu.

« Ce que vous entendez et voyez » dit Jésus. » Il faut être aveugle pour ne pas voir les merveilles de Dieu dans le monde, autour ou nous-mêmes. Lorsqu’une personne passe d’une condition moins humaine à une plus humaine, là se manifeste l’action de Dieu. Ainsi la Bonne Nouvelle est annoncée ! Si nous voulons savoir quel type de Chrétien nous sommes, nous devons nous demander, non pas quelles sont les paroles que nous disons, mais si nos actions aident à être libres les personnes qui nous entourent ou avec qui nous entrons en contact. Dieu est à l'œuvre dans le monde chaque fois que des femmes et des hommes écrasés par leur histoire se relèvent, retrouvent leur dignité ; chaque fois qu'un regard d'amour fait naître la beauté sur un visage oublié ou souffrant ; chaque fois que des mains fatiguées trouvent un appui. Les signes de vie et d'espérance, sachons les partager. Voilà des pans de vérité ou le visage du Fils de Dieu que Jean n’avait pas saisi : un Dieu avec les hommes, au service de l'homme. Un Dieu qui vient guérir et sauver, et non pas condamner et punir.

Frères et sœurs, comme beaucoup d’entre nous, qui attendions de Jésus des interventions immédiates et éclatantes, il nous arrive de devenir semblables à Jean-Baptiste : découragés, troublés, déçus. Ce Jésus que nous invoquons semble parfois ne pas répondre à nos supplications. Il demeure silencieux face à nos épreuves, à nos inquiétudes, à nos angoisses les plus profondes. Cependant, à l’image de la réponse donnée à Jean, le Christ nous adresse une parole discrète mais ferme : « Je suis là, présent au cœur même de tes détresses. C’est pour toi que je viens, pour accomplir ma mission de salut et te relever. » Mais il faut avoir de la patience comme le recommande saint Jacques dans la deuxième lecture de ce jour.

Saurons-nous reconnaître, dans quelques jours, ce visage de Dieu dans l'humble enfant de la crèche ? Marie Notre Dame de Bethléem, intercédez pour nous ! Saint Jean de la Croix, priez pour nous !  Amen

Père Jacques, vicaire de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul, de Pointe-à-Pitre

POUR ALLER PLUS LOIN 

Quelques suggestions d'attitudes spirituelles

  • Surprendre en imitant la vengeance de Dieu 
  • Laisser les autres avoir raison car nous n’avons pas toute la part de vérité
  • Cultiver la joie qui ouvre à la bénédiction 

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