La première messe solennelle d’hommage aux victimes de l’esclavage à Saint-Pierre et Saint-Paul fera date


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vendredi 30 mai 2025
Diocèse de Guadeloupe

Mardi 27 mai 2025, Mgr Philippe GUIOUGOU, évêque de Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, a présidé la première messe solennelle diocésaine d’hommage aux victimes de l’esclavage en Guadeloupe. Plus de 1.200 fidèles ont répondu à l’appel du Pasteur de notre Eglise catholique, de même que de nombreuses personnalités. Cette célébration appelée à être reconduite chaque année, a touché les cœurs et les consciences.

Emotion, profond recueillement, solennité et belle communion autour de la mémoire des victimes de l’esclavage. Ce temps spirituel souhaité par Mgr Philippe GUIOUGOU, évêque de Guadeloupe, chaque année désormais le 27 mai, jour de la commémoration de l’abolition a largement dépassé les espérances pour cette première. Il faut dire que cette célébration était très attendue. La beauté de la liturgie de cette messe solennelle grâce au Chœur Diocésain emmené par Jean-Michel LESDEL, assisté de Ludovic DIVRANDE et Patrice TREFLE ; de même que les tableaux d’expression corporelle particulièrement inspirés proposés par le groupe « Mon Corps pour Prier » dirigé par Jacqueline CACHEMYRE-THÔLE, y ont aussi largement contribué.

L’appel du pasteur de notre diocèse a donc été largement entendu et toutes les conditions étaient réunies pour élever les âmes durant cette célébration qui n’a pas souffert des nombreuses manifestations organisées tous les ans pour commémorer l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe. Il fut plaisant de constater qu’une foule nombreuse a tenu à être présente à l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, à Pointe-à-Pitre, mardi soir 27 mai 2025, à 18h, pour vivre la première célébration solennelle diocésaine dédiée aux victimes de cette période sombre de notre histoire. 

Il y avait une attente forte

Des personnalités du monde politique, économique, associatif et plus largement de la société civile étaient là également ou avaient confirmé leur présence. Au rang desquelles, le président de Région Ary CHALUS et le président du Département Guy LOSBAR. Parmi les parlementaires, le député Elie CALIFER, la sénatrice Solange NADILLE VALA et le sénateur Dominique THEOPHILE. En déplacement en Guadeloupe, dans le cadre des commémorations cette année, l’ambassadeur de la République Démocratique du Congo a souhaité également assister à cette célébration.

Au nombre des maires et autres élus locaux, l’on nota de même la présence de Mme Gabrielle LOUIS-CARABIN Maire du Moule, de Mme Tania GALVANY, adjoint au maire de Pointe-à-Pitre – paroissienne assidue de cette église Saint-Pierre et Saint-Paul -, de Mr. Loïc MARTOL élu également de la ville de Pointe-à-Pitre, de Mme Brigitte RODES élue représentant la ville de Basse-Terre, ou encore Mr. Denis CORNEILLE élu représentant la commune d’Anse Bertrand. Le monde économique de notre archipel était aussi représenté par M. Camille VAITILINGON, acteur du BTP, Mr Nicolas PHILIPPOT, PDG de Gardel ou encore M. Fortuné BIBRAC du groupe éponyme. Des acteurs de la société civile ont également garni les bancs de l’église, parmi eux notamment M. Amédée ADELAÏDE, de l’association Cohésion Sociale et Libertés Républicaines (CSLR).

Signe par ailleurs de l’unité souhaitée des chrétiens autour de cette démarche mémorielle, le Pasteur Josias OPON représentait l’Eglise évangélique en Guadeloupe avec deux de ses proches collaborateurs, à savoir les pasteurs Jean POULIER et Samuel LEGENDART.

Quand le cultuel fait corps avec le mémoriel pour le bien commun

Le monde associatif, de la culture et du patrimoine n’a pas manqué non plus cette célébration solennelle. Ont ainsi répondu à l’invitation de l’Eglise catholique en Guadeloupe, l’écrivaine guadeloupéenne Simone SCHWARZ BARTH, l’historien Daniel MARIE-SAINTE. Sans oublier Alain SOREZE, Président de l’association pour la sauvegarde de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, Georges BREDENT, président du conseil des territoires de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. De même que Mme Christine MATHOS présidente de l’association pour la mémoire de l’histoire de l’abolition de l’esclavage en Saône-et-Loire, qui a assisté à cette messe avec une délégation composée de plusieurs membres venus de cette région de l’hexagone. 

L’association des cuisinières de Guadeloupe sous la houlette de son président Rony THEOPHILE a pour sa part fait le déplacement en nombre, en tenues de deuil et d’hommage aux défunts. Enfin, la présence d’une délégation de l’AKADEMIDUKA, emmenée par sa présidente Mme Nadia PATER, rappela à ceux et celles qui ont bonne mémoire, la participation active de cette école de danses et de musiques traditionnelles dans l’animation des premières messes célébrées en paroisses – malgré les critiques - il y a quelques années en hommage aux victimes de l’esclavage en Guadeloupe. C’est bien la preuve que le temps a fait son œuvre, l’Esprit Saint aidant, et que les mentalités évoluent, rendant possible aujourd’hui une telle célébration solennelle de dimension diocésaine.

Sur le parvis de l’église, le ton de la célébration était donné

Après que les 1.200 fidèles et personnalités aient pris place à l’intérieur de cette église Saint-Pierre et Saint-Paul, avec l’aide précieuse et très efficace de toute l’équipe d’accueil de la paroisse, la célébration pouvait alors débuter à l’heure prévue, d’abord sur le parvis de l’église où étaient invitées à se rendre les personnalités, le clergé, les membres de l’organisation, et quelques jeunes. 

Frères et sœurs, que faisons-nous aujourd’hui de notre liberté. Là mettons-nous au service du bien commun ou là tournons-nous vers de nouveaux asservissements

Au son du chant « Esklav yo té yé » interprété acapella, le groupe « Mon corps pour prier » présenta son premier tableau montrant la capture des esclaves en Afrique, leur arrachement à leurs terres natales, leur déportation vers la Guadeloupe et les Antilles dans les cales des bateaux négriers, les sévices qu’ils subirent. L’état dans lequel ils furent réduits, enchainés, marqués au fer, mis au travail forcé dans les champs de canne, sous les coups de fouet. Leur capacité transcender ce traitement inhumain afin d’entrer en résistance et faire preuve d’ingéniosité dans la douleur, pour fabriquer avec ce qu’ils pouvaient les tambours de leur terre de naissance, qui devinrent peu à peu le Ka transmis en héritage à nos générations, illustrèrent avec force et mouvement ce premier tableau sur le parvis de l’église.   

Ensuite, vint le moment de la procession d’entrée de cette célébration solennelle, avec à la suite du groupe Mon corps pour prier, les personnalités qui étaient sur le parvis, suivies des servants d’autels, des grands-clercs diocésains, diacres, prêtres, du vicaire général et de l’évêque Mgr Philippe. Le son de la conque de lambis l’un des symboles de l’héritage amérindien, avait auparavant résonné avec rondeur et intensité dans cette église bondée, tandis que le chœur diocésain entonnait avec ses plus belles voix « Vini krétyen pou chanté, gwandè a Bondyé. Jodi nou ka rasanblè pou lanmou pè sa tryonfè ».     

Un jour historique pour l’Eglise catholique en Guadeloupe

Klarine et Mano se complétèrent en ces termes pour le mot d’accueil. « L'Église catholique en Guadeloupe, franchit un pas historique en honorant solennellement aujourd’hui en l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, la mémoire des victimes de l’esclavage. Dans un esprit de recueillement, cette célébration eucharistique se veut un geste fort et sacré, empreint de reconnaissance, de compassion et de miséricorde. A travers une liturgie adaptée cette messe solennelle portera la voix et les prières d'une Église consciente de son histoire avec sa part d’ombre et de lumière. Une Église désireuse de communier avec toutes celles et ceux qui œuvrent pour la mémoire et la réconciliation. A travers cette célébration, Il s’agit de rassembler au-delà des fidèles, toutes les personnes de bonne volonté, descendants de victimes de l’esclavage, acteurs de la société civile, représentants institutionnels, associations et tous ceux qui souhaitent s’unir à cette   intention dans la prière et l’espérance. Nous souhaitons humblement continuer à contribuer à la construction d’une Guadeloupe de paix, œuvrant ainsi pour une société plus fraternelle ».

Ils poursuivirent ainsi pour évoquer la mémoire de nos aïeux victimes de l’esclavage. « Souvenons-nous d’eux. Parce qu’ils ont vécu le martyre de l’esclavage, parce qu’on leur a refusé leur identité et leur dignité d’hommes et de femmes. Parce qu'on les a construits dans la division et le mépris d’eux-mêmes. Parce qu’ils sont morts souvent sans sépulture et sans rite. Parce que leurs âmes sans considérations, errent sans repos. Parce qu’ils sont tombés dans le gouffre de l’oubli. LANMOU BA YO ! Parce qu’au cœur de l’enfer esclavagiste, ils ont fait briller la flamme de la résistance et de la liberté. Parce qu’ils ont inventé les rites et cadences de nos vies, parce que de leurs plaintes, ils ont fait nos mélodies, parce que tout simplement, ils ont su aimer. Parce que nous leur devons l’existence. RÉSPÉ POU YO ! Désormais, nous arrières petits-fils, et filles d’esclaves nous réhabilitons leur mémoire. Nous les inscrivons dans notre parenté. FÒS BAN NOU. LANBOU BA YO, SE RÉSPÉ POU YO, Ė FÒS BAN NOU ».

Des familles présentèrent les noms de leurs ancêtres esclaves

Ce sont les rites initiaux des messes dites pour plusieurs défunts ou pour tous les défunts, tirés du Missel Romain qui encadrèrent à ce stade cette célébration. Après une courte introduction de l’appel aux noms, « Nos aïeux, pardonnez-nous de vous avoir oublié, pardonnez-nous d’avoir pris tant de temps, avant de vous honorer, avec le respect du descendant, la fierté espérée du descendant, et la dignité attendue de l’ancêtre, nous nous adressons à vous aujourd’hui », les familles Paisley, Kalé, Métura ont rendu hommage à leurs aïeux.

Tour à tour, à l’appel des noms de leurs aïeux retrouvés, Jade Montabord a honoré Claire Paisley, Christiane Vanzel a honoré Jean-Louis Kalé et Nadia Judith a partagé son émotion de rendre hommage à son ancêtre esclave Céline Métura. Chacune de ces présentations, entrecoupées d’une improvisation alliant piano et tambours, fut marqué par un profond recueillement empreint d’une émotion palpable sur les visages.

Après le Confiteor (je confesse à Dieu), l’intention qui a suivi « Bondyé, padon pou ofans an nou. Bondyé, padon pou féblès an nou.  Bondyé, padon pou mank dè fwa an nou. Bondyé, Sengnè, pityé pou nou » et la prière pénitentielle, les trois familles ayant précédemment honoré leurs ancêtres ont allumé une bougie en leur mémoire en haut des marches du cœur de l’église.

Autre moment émouvant, ce poème « Gran manman Gran Papa » déclamé par le petit Chaysen. « Ou sav, Gran manman é gran papa èsklav Silans épi loubli toufé lanmou an té pou ni pou zòt. Si on ti flanm limé jòdi, On ti flanm, a on bouji sé pou di Gran manman a gran manman gran papa à gran papa An pé ké obliyé an p’on tan Mwen ki kapab pléré douvan on fim télé  kyè an mwen té sèk douvan chak kout fwèt Si on ti flanm limé jòdi, on ti flanm a on bouji, sé pou di an kyè an mwen, on ti flanm limé osi Limyè chasé nwasè,  Pawòl chasé silans dwètèt sonjé chasé loubli Si on ti flanm limé jòdi, on ti flanm a on bouji, sé pou di’w MÈSI ».

« Vous, frères, vous avez été́ appelés à la liberté́ »

A cet instant, dans une belle unité et une ferveur poignante, portée par les voix du Chœur diocésain et les pas de Mon corps pour prier, l’assemblée chanta le « Gloire à Dieu ». Il était temps alors pour Mgr Philippe GUIOUGOU, notre évêque de dire la prière d’ouverture. « Seigneur Dieu, ton Fils unique a triomphé de la mort, et tu l'as fait passer dans le royaume des Cieux ; Accorde à tes serviteurs nos aïeux, victimes de l’esclavage, de partager sa victoire sur la mort pour te contempler éternellement, toi, leur Créateur et Rédempteur ».

S’agissant de la liturgie de la Parole, en toute logique et au regard de la singularité de cette célébration, les textes n’étaient pas ceux du jour. Ils ont été choisis pour la circonstance. La première lecture fut ainsi tirée du livre de l’Exode (Ex 3, 7-10) « Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer »

Pour la deuxième lecture, après le Psaume 137 (Ta main droite me sauve, Seigneur), c’est le texte Galate (5, 13-17) qui fut proclamé. « Vous, frères, vous avez été́ appelés à la liberté́. Mais que cette liberté́ ne soit prétexte pour votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. Car toute la Loi est accomplie dans l’unique parole que voici : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde vous allez vous détruire les uns les autres. Je vous le dis : marchez sous la conduite de l’Esprit Saint, et vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair. Car les tendances de la chair s’opposent à l’Esprit, et les tendances de l’Esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire tout ce que vous voudriez ».

Une liturgie de la Parole parfaitement adaptée

Au cœur de cette célébration solennelle, la proclamation de l’Évangile de Jésus Christ selon saint Mathieu (Mt 25, 31-46). Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siègera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé́ pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à̀ moi !”

Nous redisons à celles et ceux qui ont été victimes de l’esclavage « nou inmé zot ». Nous vous aimons. Et nous le disons avec conviction car seul l’amour rassemble, véritablement. Seul l’amour touche les cœurs et transforme les vies

Dans son homélie qui avait valeur d’enseignement et de prédication, Mgr Philippe GUIOUGOU insista sur le sens de la célébration, rappelant qu’il s’agissait d’une messe en mémoire des victimes de l’esclavage et de toutes les formes d’esclavages encore présentes dans notre société. « C’est ce que nous voulions vivre et faire vivre ensemble. Frères et sœurs nous sommes réunis aujourd’hui pour rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont souffert de l’esclavage dans nos anciennes colonies, particulièrement en Guadeloupe. Mais aussi pour nous souvenir de celles et ceux ici et ailleurs qui souffrent encore aujourd’hui de toutes formes d’asservissement, de privation de liberté, d’atteinte à leur dignité. Nous rendons hommage en faisant mémoire, en vivant ensemble un moment spirituel fort profondément marqué par notre humanité. En ce jour, nous redisons à celles et ceux qui ont été victimes de l’esclavage "nou inmé zot". Nous vous aimons. Et nous le disons avec conviction car seul l’amour rassemble, véritablement. Seul l’amour touche les cœurs et transforme les vies » a indiqué l’évêque de Guadeloupe en guise d’introduction.

Faire mémoire pas simplement pour se souvenir du passé

« Je souhaite m’arrêter un instant sur cette expression que nous avons souvent entendu : faire mémoire. Ce matin encore au Fort Delgrès, lors de la commémoration de l’abolition organisée par le Département, ce mot a résonné. Dans la foi chrétienne, faire mémoire n’est pas simplement se souvenir du passé. C’est rendre présent un évènement qui transforme notre aujourd’hui. C’est une mémoire vivante, une présence actuelle d’une réalité spirituelle. Dans l’Eglise catholique, nous faisons mémoire du Christ à chaque Eucharistie – à la table, nous rompons le pain -, mais aussi à chaque fois que nous ouvrons les écritures. Le Dieu vivant s’y révèle à nous aujourd’hui encore. Faire mémoire de celles et ceux qui ont été victimes de l’esclavage, c’est prendre conscience que notre société guadeloupéenne est profondément marquée par son histoire. Ils ont souffert, oui. Mais ils ont aussi donné la vie, transmis l’amour, semé la foi. A travers leur courage, ils nous ont légué la force de croire en Dieu, vivant et proche de son peuple. Faire mémoire, c’est rester fidèle à l’alliance de Dieu avec son peuple. Dans le livre de l’Exode, Dieu dit, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte. J’ai entendu ses cris. Je connais ses souffrances. Le mal, l’esclavage, cela ne vient pas de Dieu. Mais Dieu a vu, Dieu a entendu et Dieu a agi. Je te ferais sortir, mon peuple, d’Egypte dit encore le Seigneur. Et cette main de Dieu a trouvé le courage des hommes et des femmes debout. Yo doubout pou di stop » a poursuivi le Pasteur de notre diocèse.

Et Mgr Philippe d’évoquer la mémoire celles et ceux qui ont œuvré au péril de leur vie pour que l’esclavage soit aboli en Guadeloupe. « Nous pensons bien sûr à nos héros : Delgrès, Ignace, Solitude et tant d’autres connus et inconnus, qui ont résisté, mais aussi aux artisans politiques et civiles de la liberté comme Victor Schoelcher et toutes celles et ceux qui ont permis d’aboutir à ce 27 mai libérateur. L’apôtre Paul nous rappelle dans l’épitre aux Galates de la 2ème lecture, que votre liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire vos égoïsmes. Mettez-vous au service les uns des autres. Frères et sœurs la grande question demeure, que faisons-nous aujourd’hui de notre liberté. La mettons-nous au service du bien commun ou là tournons-nous vers de nouveaux asservissements » interrogea l’évêque de Guadeloupe s’adressant à l’assemblée.

Notre histoire est traversée par une lumière. Celle d’un Dieu qui ne nous abandonne pas 

« Souvent, l’action de Dieu semble lente à nos yeux, mais dans la foi, nous apprenons à reconnaitre sa présence même dans nos épreuves. C’est ce qui nous donne la force d’espérer et de continuer à faire mémoire, à ne pas oublier que notre histoire est traversée par une lumière. Celle d’un Dieu qui ne nous abandonne pas. Je vous cite ce passage fort du message des évêques de Guadeloupe, Martinique et Guyane publié en avril 1998. Ils disaient "A notre époque où la mondialisation tisse un réseau de plus en plus serré sur l’humanité, nous devons nous garder de tout repli sur nous-même. La liberté ne peut se développer que par notre engagement responsable dans tous les domaines (économique, politique, social et familial)". C’est pour cela également que nous faisons mémoire, pour bâtir un monde nouveau et refuser de construire un monde qui serait pire que celui d’hier, pire que celui où il y avait encore des chaines. Malheureusement, c’est possible de construire un monde plus terrible que celui d’hier » ajouta Mgr Philippe.

« Faire mémoire, c’est aussi transmettre la foi. Ce n’est pas simplement un rassemblement. A travers cette célébration, l’Eglise enseigne et nourri notre foi. Nous marchons dans les pas de nos parents, de nos grands-parents croyants et nous avançons avec certitude, non pas habités par de l’orgueil, mais avec la foi que nous avons quelque chose à offrir à notre société. Voici cette certitude qui n’est ni de l’orgueil, ni une fausse humilité : En tant que croyants, nous avons quelque chose à offrir à notre société. Et si ce n’est qu’une chose, serait-ce le pardon, la réconciliation, alors c’est déjà énorme car ce sont des chemins essentiels pour l’avenir. Il faut sortir des culpabilités stériles et avancer dans la vérité, l’amour et la justice » a en outre affirmé notre évêque. 

Que tous soient un

« L’Evangile que nous venons proclamer nous interroge profondément. J’avais faim et vous ne m’avez pas donné à manger. J’étais en prison et vous ne m’avez pas visité. J’avais soif et vous ne m’avez pas donné à boire. Cet Evangile nous renvoie à notre engagement concret. Faire mémoire, ce n’est pas simplement réciter un discours, c’est agir aujourd’hui pour la dignité de nos frères et sœurs. J’avais faim, vous m’avez donné à manger. J’avais soif, vous m’avez donné à boire. J’étais nu, vous m’avez habillé. Car celui qui a souffert de l’esclavage est souvent et doit être celui qui mieux que quiconque rejette l’idée d’asservir l’autre. Nos ancêtres, nos grands-parents ont choisi la vie, la foi, la fraternité ; en tout cas un certain nombre d’entre eux pour la question de la foi. Dans la liturgie, nous faisons mémoire par la parole et les gestes, aujourd’hui encore. Que cette célébration élève notre âme, touche nos cœurs et ouvre les portes d’une collaboration plus profondes entre tous les enfants de cette terre si chérie, cette terre de Guadeloupe » a prêché avec insistance l’évêque de Basse-Terre et Pointe-à-Pitre.

« Pour dire les choses clairement et les nommer. Fils et petits fils d’esclaves. Fils et petits-fils de colons. Tous ceux venus habiter cette terre. Que tous soient un comme le Christ l’a transmis dans les écritures. Comme cette devise que j’ai voulue et que je veux pour notre diocèse. Que tous soient un, en remémorant nos parents, nos aïeux, parce que nous prions pour eux ce soir. Mais aussi en luttant de toutes nos forces pour que l’homme ne puisse pas asservir l’autre, le mettre en esclavage ou le maintenir dans les esclavages modernes de notre temps. Que notre petite Guadeloupe puisse en être l’exemple, puisse en être le témoin. Amen » a conclu Mgr Philippe GUIOUGOU.

Une prière universelle ancrée dans nos réalités et source d’espérance

Les intentions de la Prière Universelle ont été portées pour les familles du monde et particulièrement les familles de notre chère Guadeloupe afin qu’elles soient accompagnées dans les difficultés qu’elles peuvent traverser, mais aussi dans la joie qu’elles ont à transmettre la vie et l’amour. Pour notre monde en souffrance en confiant au Seigneur toutes les personnes qui par leur égoïsme, leur indifférence, détruisent notre « maison commune » la terre, ruinent l’avenir des générations futures. Mais également les hommes et les femmes, artisans de paix, de justice d’amour, tous ceux qui entreprennent et font vivre notre économie, et ceux qui sans relâche se battent pour un monde plus juste, plus fraternel.

Ont été confiées aussi dans cette PU, toutes les personnes qui subissent des violences, les nouvelles formes d’esclavage, les trafics des êtres humains, la prostitutions, travail forcé des enfants, en demandant à notre Dieu d’Amour et de tendresse de toucher le cœur de ces bourreaux qui profitent des plus faibles, des plus démunis. Tous les fléaux qui rongent notre chère Guadeloupe n’ont pas été oubliés dans cette prière universelle : « Dieu de Miséricorde, nous vivons chaque jour des événements dramatiques en Guadeloupe : Violence conjugale, violence familiale, accident mortel sur nos routes. Dieu d’amour et de tendresse, aide-nous à découvrir que le chemin du bonheur passe par toi et avec toi ».

Enfin, la dernière intention a été portée pour notre l’Église : « Dieu d’amour et de Miséricorde, nous te confions notre évêque Monseigneur Philippe, tous les prêtres et diacres de notre diocèse, soutiens-les dans leur mission. Nous te confions également tous les chrétiens engagés dans le monde au nom de leur baptême sans chercher les applaudissements ou l’admiration des autres. Soutiens-les dans leurs engagements familiaux, associatifs, politiques pour qu’ils trouvent dans ta miséricorde, l’expression la plus haute de la justice et de la foi ».

Procession mémorielle à la fois magnifique et bouleversante

Instant mémorable de cette célébration que fut la procession mémorielle réalisée par Mon Corps pour prier sur fond d’une improvisation musicale signée Jean-Michel LESDEL. Successivement ont été emmenés vers l’autel en guise d’offrandes, la canne à sucre, symbole du travail forcé aux Antilles françaises pendant l’esclavage et qui aujourd’hui joue un rôle essentiel à l’économie du pays. En nous gardant de ne jamais nous habituer à des situations de misère, d’exploitation et d’exclusion où la dignité de l’homme créé à l’image de Dieu est bafouée.

Portées également en procession, les chaînes, symboles de la souffrance et du manque de liberté. Manque de liberté physique, mais aussi désir de mettre fin à la liberté de penser, de réfléchir, d’émettre des idées, de rêver à l’avenir. « Aujourd’hui, nous souhaitons nouer des liens de fraternité ». Le tambour et la conque de lambi symbole de résistance d'un système esclavagiste. « C'est avec c’est deux instruments que nos aïeux communiquaient, qu'ils prenaient un peu de répit. Aujourd’hui, emblèmes de notre identité » a-t-il été précisé.

Cette procession mémorielle très émouvante se termina par l’offrande de la Bible, la Parole de Dieu, jadis souvent instrumentalisée par le système esclavagiste et pourtant cette parole libère, guérit, sauve. « Aide-nous Seigneur, aujourd’hui, à mieux la connaître pour continuer à annoncer et transmettre ta bonne nouvelle à temps et contretemps » a-t-il été dit en conclusion de cette procession.  

Rendez-vous déjà pris pour l’an prochain

Il était temps dès lors d’entrer dans la Liturgie de l’Eucharistie avec le choix d’une préface et d’une prière prévue pour les messes de réconciliation tirées du Missel Romain. « Par ce sacrifice que tu as accueilli, Seigneur, fais surabonder ta miséricorde sur tes serviteurs défunts : nos aïeux, victimes de l’esclavage, tu leur as donné la grâce du baptême, donne-leur aussi en plénitude la joie éternelle » pria l’évêque après la communion.

A la fin de la célébration, Mgr Philippe GUIOUGOU, adressa son mot de remerciement aux fidèles présents, aux personnalités et à tous ceux qui se sont mobilisés pour la réussite de cette messe solennelle dédiée aux victimes de l’esclavages. Proposition a été faite de mettre en place des ateliers de généalogie pour permettre à davantage de famille de présenter l’an prochain, les noms de leurs ancêtres victimes de l’esclavage.

La messe s’acheva par la bénédiction solennelle de l’évêque, avant le chant d’envoi en mission : « Peuple de lumière, baptisé pour témoigner. Peuple d'évangile, appelé pour annoncer. Les merveilles de Dieu pour tous les vivants ». Cette célébration était retransmise en direct sur les antennes de Radio Massabielle et de RCI, mais aussi en images sur les réseaux sociaux du diocèse. Vous pouvez donc revoir intégralement cet évènement appelé à s’inscrire dans notre calendrier liturgique, sur la chaine YouTube « Eglise catholique en Guadeloupe ».

Thierry FUNDERE (Avec Gladys FUNDERE)

POUR ALLER PLUS LOIN

WOULO BRAVO AUX CHORISTES ET AUX MUSICIENS DE CETTE CELEBRATION SOLENNELLE

LES VOIX IMPRESSIONNANTES DU Chœur Diocésain

Le Chœur Diocésain de la Guadeloupe qui a animé cette messe solennelle incarne l'unité et la richesse spirituelle du peuple guadeloupéen à travers la musique sacrée. Composé de 40 choristes venus des différentes paroisses du diocèse, et d’un « tanbouyé », Miguel Combes, ce chœur rassemble des voix diverses animées par une même foi et un même désir de servir la liturgie. Sous la direction du chef de chœur, d’orchestre, compositeur et organiste de la cathédrale de Basse-Terre Jean-Michel Lesdel, assisté de deux adjoints, (Patrice Trèfle et Ludovic Divrande), le chœur Diocésain a pour mission d'accompagner les grandes célébrations diocésaines et de promouvoir le patrimoine musical liturgique de l'Église catholique en Guadeloupe. À travers un répertoire varié, enraciné dans la tradition et ouvert aux expressions contemporaines, il contribue à l'élévation spirituelle des fidèles. Plus qu'un ensemble vocal, le Chœur Diocésain est un signe vivant de communion et de fraternité au sein de l'Église en Guadeloupe offrant par le chant un témoignage de foi, de beauté et d'unité avec la force culturelle du pays Guadeloupe.

Une alliance musicale parfaite et audacieuse au service de la liturgie

En cette occasion exceptionnelle, la musique chantée par le Chœur Diocésain a été portée par les cordes sensibles du collectif JML (Jwa, Mizik é Lanmou). Huit musiciens ont su faire vibrer l’instant avec délicatesse et émotion. 4 violons :  Omaïma Elaïdi, Nenad Volarov, Clément NAGY, Lucien, Sidambarom. 1 alto : Christelle Pfister. 2 violoncelles : Lucile Mauchoffé et Noam.

Dans une alliance vibrante entre émotion et précision, la section rythmique du groupe VIM, qui était forte de six musiciens : Célia Saint-Auret, Sylvie Hoton, Florence Louis, ⁠Oliver Thomarel, Éric Charbonnet, et Jean-Claude Auguste, a fusionné son énergie à la douceur des cordes de JML. Ensemble, ils ont tissé un paysage sonore riche, entre intensité rythmique et élégance harmonique. Ces six grands talents du rythme ont assuré le socle vivant sur lequel les cordes ont dansé, respiré et chanté. Ils n’ont pas seulement accompagné ou animé la célébration, ils lui ont donné une âme. La musique qui a accompagné cette célébration de commémoration a été une prière, un souffle, une mémoire vivante. Composée en partie par Jean-Michel LESDEL pour certains chants liturgiques, elle s’est voulue fidèle à l’esprit de recueillement, d’espérance et de lumière qui habitait ce moment.

« Afin d’offrir une profondeur, une sensibilité, j’ai pris soin d’orchestrer l’ensemble des pièces pour cordes. Cette orchestration, pensée pour dialoguer avec l’intimité du silence et l’ampleur de la foi, a permis aux violons, altos et violoncelles de traduire, sans paroles, les émotions que les mots peinent parfois à dire autour de ce sujet de l’esclavage et de son abolition. J’ai souhaité que chaque note porte en elle une part de mémoire, de consolation et de beauté. Je remercie les musiciens de JML et de Vim Mizik, pour avoir donné vie à cette musique avec tant de justesse, de sensibilité et de grâce » nous a confié Jean-Michel LESDEL.

LE ROLE ESSENTIEL DU SERVICE DIOCESAIN DE LA PASTORALE LITURGIQUE ET SACRAMENTELLE (SDPLS)

Le service diocésain de la pastorale liturgique et sacramentelle (SDPLS) joue un rôle clé dans la vie du diocèse de Guadeloupe sous la direction de Père Roland KINKOUNI, qui en a la charge par délégation de l’évêque en qualité de délégué épiscopal affecté à cette mission, tout en étant parallèlement curé de la paroisse de Trois-Rivières. Ce service coordonne l'organisation des grandes célébrations diocésaines présidées par l'évêque : appel décisif, confirmation des adultes, messe chrismale, ordinations. Il en a donc également assuré la coordination générale et édité le déroulé détaillée de la messe solennelle du 27 mai à l’église Saint-Pierre et Saint-Paul. LE SDPLS a pour but d’accompagner les acteurs liturgiques, quels que soient leurs rôles, à approfondir le sens de la liturgie chrétienne pour mieux la mettre en œuvre à travers toute la vie de l’Eglise et en particulier par des célébrations et des temps de prières communautaires. L’occasion nous est ainsi donnée de mettre en lumière le travail de cette équipe qui autour de Père Roland KINKOUNI, qui oeuvre avec sérieux et efficacité, au service de l’évêque, des prêtres, diacres et laïcs dans différentes domaines : équipes liturgiques, équipes funérailles, sacrements, servants d’autel, chantres et animateurs, chorales et groupes de chant, organistes et autres instrumentistes, art sacré, espace liturgique, fleurir en liturgie. Des membres de l’équipe peuvent aussi se déplacer localement à la demande des paroisses. Enfin le service diocésain de la pastorale liturgique et sacramentelle assure la formation pour tout ce qui concerne la célébration des sacrements et veille aussi à une inculturation saine de la liturgie.

UNE EQUIPE DE FRANCE TELEVISIONS ETAIT SUR PLACE 

Une équipe de France-Télévision qui prépare actuellement un documentaire autour des cimetières d'esclaves aux Antilles et de cette "mémoire enfouie" était présente pour filmer la célébration et intégrer des séquences à ce documentaire de 52 minutes qui sera diffusé en mai 2026 sur France Télévisions. Ce documentaire dont nous publions ci-dessous le texte de présentation, sera le fruit d’une collaboration avec les chercheurs de l’INRAP, le CNRS, la DRAC de Guadeloupe et de Martinique, les associations de citoyens, KAB en Martinique, Lanmou Ba Yo en Guadeloupe.

« Quand une humanité ressurgit des plages de carte postale ! Un peu partout dans les Antilles françaises, la recrudescence des épisodes cycloniques, la montée des eaux accentuée par l’érosion naturelle des sols va dévoiler les détails jusque-là inconnus, d’un crime perpétré pendant trois siècles sur notre territoire. Les preuves de notre histoire sont sous nos pieds, le changement climatique s’accélère et fait émerger une mémoire enfouie. Après des siècles d’histoire de l’esclavage écrite par les dominants, pour la première fois, le récit de la vie de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants peut être raconté par eux-mêmes, sur la base de preuves irréfutables et non de fantasmes. L’archéologie le permet aujourd’hui. C’est une avancée majeure ! Fonds St Jacques, l’Anse Bellay en Martinique, l’anse Sainte Marguerite, la plage des raisins clairs en Guadeloupe, autant de cimetières d’esclaves qui réchappent de l’oubli grâce à l'archéologie préventive. Elle rend visible l’invisible, redonne chair et vie aux asservis. Notre documentaire se donne pour mission de faire résonner ces voix en suivant les missions des archéologues, en intégrant des images d’archives de fouilles tournées par les archéologues eux même ou par notre équipe à l’Anse Bellay, en allant à la rencontre des citoyens qui cherchent à préserver ces lieux de mémoires, en alliant regard scientifique, récit des descendants et nécessité d’agir face à l’urgence climatique » (Claire PERDRIX et Aurélie BAMBUCK, réalisatrices de ce documentaire - Les Nouveaux Jours Productions).

Le service diocésain de la communication 

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